
Sur les conseils d’un ami je suis allé samedi dernier à la Fondation Cartier voir une expo d’art contemporain sur David Lynch intitulée The Air is on Fire. Pour moi, David Lynch n’était qu’un réalisateur de films, à savoir le réalisateur de Dune et de Elephant Man, les deux seuls films que je connaisse de lui. Mais j’ai pu réaliser combien Lynch est ce qu’on peut appeler un artiste, un artiste au sens plein du terme. Un de ces artistes qui ne se contente pas de briller dans un seul domaine, mais fait montre de son talent dans beaucoup de disciplines artistiques. Il est vrai qu’il a suivi des études d’arts plastiques…
Expo David Lynch à la Fondation Cartier – The Air is on Fire

L’art de Lynch surprend, son art dérange même. David Lynch, en nous livrant les instantanés de son inconscience hallucinatoire, offre au spectateur un sentiment de malaise et de déperdition. Son art est une invitation à plonger dans son imagination où se mêlent crainte et doute. Libre à nous de partager ou non sa vision du monde quelque peu obscure, mais toujours édifiante.
L’expo se déroule sur deux niveaux : au rez-de-chaussée sont abritées ses structures monumentales, des toiles dans lesquelles Lynch livre sa vision pessimiste et troublante d’un monde désincarné où les personnages affrontent des angoisses telle la solitude (« J’ai bien le droit de rêver non? », « Bob finds himself in a World for which he has no Undersatnding ») ou encore où l’homme se livre à des cruels instincts (« Do You Want to Know What I Really Think ? » - scène de viol).
La brutalité décrite dans ces scènes n’empêche pas Lynch de le faire non sans un certain humour. Mais l’humour n’est là que pour mieux nous faire admettre la finalité des oeuvres Lynchéennes : « l’être humain comme une créature engagée dans un conflit originel avec soi-même et avec le monde ». Une toile est d’ailleurs révélatrice de l’inspiration de Lynch, il s’agit de « The Man Was Shot 0,9502 Seconds Ago ». On peut voir donc l’assassinat d’un homme, les boyaux en dehors de la cage thoracique, et sortant du trou béant, une curieuse forme intitulée « Spirit ». C’est que, pour Lynch, si le combat livré entre ombre et lumière ne laisse aucun doute quant à la victoire de l’ombre, Lynch n’en oublie jamais pour autant de laisser un rire salvateur venir contrebalancer tout ça.
The Man was shot 0.9502 seconds ago

Toujours à cet étage sont exposés les croquis de l’artiste, des croquis conservés depuis son adolescence et fournissant de précieux outils pour la généalogie créatrice de l’artiste.
Au sous-sol sont entreposées les photos de Lynch, notamment des photos réalisées avec trucage faites à partir de photos érotiques du début du 20ème siècle, les Distorted Nudes. Ces photos nous invitent à adopter un point de vue surréaliste des choses, à ne pas voir les choses telles qu’elles nous apparaissent mais selon une réalité qui pourrait nous être voilée derrière le masque des apparences.
Distorted Nudes

Enfin dans le sous-sol sont également projetés les courts-métrages que David Lynch a réalisé, comme une suite de dessins animés loufoques Dumbland (2002), et des films réalisés dans les années 70, comme l’envoûtant et troublant The Grandmother. Un film de 16 minutes relatant l’histoire d’une famille peu ordinaire. Un enfant non voulu, de cruels parents vampiriques (au sens premier du terme), l’ enfant en mal d’affection qui trouve remède à son mal en faisant « germer » une grand-mère énigmatique, grand-mère qui dès lors lui vouera un amour réel. Un film sans dialogues, avec pour seul langage des cris peu humains. Un court métrage déroutant qui nous invite à plonger dans l’univers inquiétant de son auteur.
The Grandmother – 1970

Une expo qui m’a marqué, une expo qui vaut le déplacement… pour peu que l’on apprécie l’étrange univers dans lequel nous invite David Lynch. Quelque part, peut-être n’en suis-je pas complètement revenu ? 
David Lynch – The Air is on Fire
Exposition 3 mars – 27 mai 2007
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261, boulevard Raspail 75014 Paris
tél 01 42 18 56 52
Droit d’entrée : 6,50 euros, tarif réduit : 4,50 euros.